mercredi 3 octobre 2007

Article journal Maghreb observateur ( Montréal )



Aziz Alaoui :

Costa ya watan à Montréal
Le suicide de la campagne marocaine
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Aziz Saadallah et Khadija Assad ont présenté la pièce de théâtre COSTA YA WATAN devant plus de sept cents spectateurs à la place des Arts les dimanches 9 et 16 novembre 1997.
Une première à Montréal.


Cette création fait penser au théâtre de Berthold Brecht avec les déchirements des personnages, tantôt révoltés ou soumis, tantôt aveugles ou lucides, tous confrontés aux contradictions de leur société et à la nouvelle bourgeoise. Tout comme la solitude enferme les personnages de Brecht, ceux que nous avons connus ce soir, sont condamnés à l’exclusion pure et simple puis au suicide. Ce théâtre magique a rassemblé les résidents marocains qu’on a pu joindre même sur internet( les gens déçus de leurs compatriotes ou de leur pays compris ) Tout ce beau monde a laissé les rancœurs de côté pour venir rire aux éclats des propos de El Ghalia ( K.Assad ) et de ses compagnes. Certes, la vie à la compagne décrite avec réalisme percutant n’a plus rien de si drôle. Les récits des cinq actes sont pertinents, dit avec soin et sans complaisance. La trame dramatique jouée du début à la fin a maîtrisé l’esthétique des personnages dont les rôles sont joués quelques fois par le même comédien sans agacer le public. Dans cette pièce, on retrouve abus de pouvoir, extorsion des terres, corruption des fonctionnaires dont sont victimes les habitants de la compagne et plus particulièrement les femmes. On y apprend que le monde rural est abandonné et livré à lui-même. Il se débat tout seul pour résoudre des problèmes qui dépassent ses moyens. Cette autre partie de la population marginalisée, est absente des plans de développement moderne. Sans lumière ni eau potable, sans hôpital ni soins de santé, sans emploi ni école, sous l’emprise chronique des aléas climatiques et du pouvoir suprême des moqquaddems et des élus communaux, cet univers de dépossession oblige les paysans et les paysannes de se départir de leur terre, les jeunes filles à immigrer en ville et les gars à brûler l’étape ( hraqq ) c’est à dire à s’exiler. Le personnage Al Mat’ousse raconte la fuite de son ami comme s’agissant de putréfaction ou de quelque chose pour purifier une jeunesse confisquée. Tous les personnages sont insatisfaits de leur terre ingrate et de leur condition. C’est le règne de la détresse et l’auteure insiste pour confier à chacun que la campagne ne se plaint pas pour rien comme cela a été couramment affirmé. Cette terre ne fait plus vivre ses habitants. Ils donneraient leur âme pour la ville et pour les attraits de l’étranger. Bien sûr, les revendications ne sont pas toutes formulées. Seuls les droits fondamentaux de la femme sont exposés avec vivacité autour du personnage principal au nom symbolique El Ghalia. Les paroles crues exprimées au nom des femmes dans leur quotidien, montrent que le théâtre marocain d’aujourd’hui a changé de couleur et de scène. Il a fini avec les productions à l’eau de rose. Cette brise soufflant de l’intérieur, relance la production d’El Ghalia sur le libre choix des décisions et de la liberté d’expressions. Elle le crie sans détour à tous * Moi, conclue- t’elle, depuis que j’étais petite, on n’a jamais cessé de me dire Tais toi…Tais-toi…Ni permis d’aller à l’école…On m’a vite marié à El Ghali qui avait l’âge de mon père alors que je préférai El Maati…On ne m’a jamais consulté sur quoi que ce soit…J’ai eu six enfants sans donner mon avis. C’est quoi ce monde qui dit toujours que ma voix ne compte pas? Bien joué El Ghalia.

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